L’évolution du régime de prise en charge des accidents de service
Le régime de prise en charge des accidents de service des fonctionnaires est aujourd’hui triple selon la date à laquelle l’accident de service s’est produit.
En premier lieu, le régime de prise en charge des accidents de service était d’origine jurisprudentielle.
Le Conseil d’État est venu préciser les conditions de prise en charge de l’accident de service dans un arrêt du 16 juillet 2014 :
« Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d’un accident de service. »
CE, sect., 16 juill. 2014, no 361820
Cette définition jurisprudentielle s’appuyait sur :
· L’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 pour la fonction publique de l’État.
· L’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 pour à la fonction publique territoriale.
· L’article 41 de la loi du 9 janvier 1986 pour à la fonction publique hospitalière.
Si la rédaction de cette définition peut sembler instaurer une présomption d’imputabilité de l’accident au service, tel n’est pourtant pas le cas.
En effet, en cas de réunion des conditions de matérialité, l’imputabilité ne sera pas présumée.
Pour autant, dans la plupart des hypothèses, le juge administratif retient l’existence d’une imputabilité au service lorsque les conditions matérielles sont remplies.
En second lieu, l’ordonnance n°2017-53 du 19 janvier 2017 est venue codifier ce régime et instaurer un article 21 bis au sein de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983.
L’article 21 bis de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 dispose que :
« II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. »
Cet article vient donc poser une présomption d’imputabilité des accidents aux services lorsque les conditions suivantes sont remplies :
· L’accident doit être survenu dans le temps et sur le lieu du travail.
· L’accident doit être survenu à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.
Cependant, ce nouveau régime n’a vocation qu’à s’appliquer aux accidents de service survenus après son entrée en vigueur.
Dans un premier temps, les juridictions ont reconnu l’entrée en vigueur immédiate de ce texte :
« D’une part, en l’absence de dispositions contraires, les dispositions précitées du II et du IV de l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui sont suffisamment claires et précises, sont d’application immédiate. Elles ont donc vocation à régir les situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de sécurité juridique, qui exclut qu’elles s’appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur intervenue le 21 janvier 2017. Les droits des agents publics en matière d’accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l’accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée. »
Voir. CAA NANCY, 3ème chambre, 18 décembre 2020, 19NC02313
CAA BORDEAUX, 3e ch., 23 mars 2022, n° 20BX00270
CAA DOUAI, 3e ch., 30 juill. 2020, n° 19DA01674, 20DA00467
La jurisprudence a finalement évoluée :
« L’application des dispositions de l’article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 résultant de l’ordonnance du 19 janvier 2017 étant manifestement impossible en l’absence d’un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l’octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service, ces dispositions ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu’elles s’appliquent à la fonction publique de l’État, qu’à la date d’entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret n° 2019-301 du 21 février 2019 »
CAA Nancy, 2e ch. - formation à 3, 9 juin 2022, n° 20NC02192
CE, 5ème - 6ème chambres réunies, 15 octobre 2021, n°450102
Désormais, selon le corps de la fonction publique, la date d’entrée en vigueur de l’article 21 bis de la loi n°88-634 du 11 janvier 1984 est fixée au :
· 21 février 2019 pour la fonction publique de l’État en application du décret du décret n° 2019-301 du 21 février 2019.
· 10 avril 2019 pour la fonction publique territoriale en application du décret du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019.
· 13 mai 2020 pour la fonction publique Hospitalière en application du décret du décret n° 2020.566 du 13 mai 2020.
Enfin, en dernier lieu, l’article 21 bis a été abrogé à compter du 1er mars 2022 par l’ordonnance n°2021-1574 du 24 novembre 2021.
Ce principe est désormais repris sous l’article L.822-18 du Code de la fonction publique en vigueur au 1er mars 2022 qui prévoit que :
« Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. »
Cette modification résulte surtout d’une volonté de codifier l’ensemble des règles de droit relatives aux fonctionnaires au sein d’un code général de la fonction publique
En conséquence, selon la date de survenance de votre accident de service et le corps de la fonction publique, le régime de prise en charge sera différent.
Pour la fonction publique d’État :
· Avant le 21 février 2019, application du régime de prise en charge des accidents de service basé sur l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984.
· Entre le 21 février 2019 et le 1er mars 2022, application de l’article 21 bis de la loi n°88-634 du 11 janvier 1984.
· À compter du 1er mars 2022, application de l’article L.822-18 du Code de la fonction publique
Pour la fonction publique hospitalière :
· Avant le 13 mai 2020, application du régime de prise en charge des accidents de service basé sur l’article 41 de la loi du 9 janvier 1986.
· Entre le 13 mai 2020 et le 1er mars 2022, application de l’article 21 bis de la loi n°88-634 du 11 janvier 1984.
· À compter du 1er mars 2022, application de l’article L.822-18 du Code de la fonction publique
Pour la fonction publique territoriale :
· Avant le 10 avril 2019, application du régime de prise en charge des accidents de service basé sur l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984.
· Entre le 10 avril 2019 et le 1er mars 2022, application de l’article 21 bis de la loi n°88-634 du 11 janvier 1984.
· À compter du 1er mars 2022, application de l’article L.822-18 du Code de la fonction publique
Le régime de prise en charge des accidents de services se relève donc complexe de par la multiplicité de régime en vigueur et de par les différences de base légale selon les corps de la fonction publique.
Si la codification au sein du Code de la fonction publique était souhaitable, cela alourdit néanmoins un régime juridique déjà complexe.
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